- Vous rêvez, Adrien ?
Adrien sursaute.
Il n'avait pas vu que madame Ardouin,
la professeure de français, regardait par dessus son épaule. Il ne
savait pas non plus depuis combien de temps il était resté sans
rien faire au lieu d'écrire son commentaire de texte. La seule chose
qui le raccrochait à la réalité c'était les vers qu'il avait
commencé à écrire sur son cahier devant lui :
Et de planètes en planètes
De nébuleuses en nébuleuses
Le don Juan des mille et trois
comètes
Même sans bouger de la Terre
Cherche les forces neuves.
Soudain
Adrien, le bon élève si ce n'est l'élève modèle, a très chaud.
Ses oreilles bourdonnent. Son esprit est vide.
- Vous ne vous sentez pas bien, Adrien ? …. Vous viendrez me voir après la classe.
Madame
Ardouin s'éloigne et parle fort. Adrien ne comprend pas ce qu'elle
dit mais qu'importe. Il lui est reconnaissant de détourner les yeux
de la classe qui s'étaient fixés sur lui. L'heure passe sans qu'il
réussisse à reprendre le fil. S'il ferme les yeux il voit une pluie
d'étoiles, s'il les ouvre les mots qu'il a écrit dansent devant lui
sans qu'il ne les déchiffre.
- Alors, Adrien ?
La
cloche a sonné et maintenant il est devant madame Ardouin, l'esprit
vide, tellement vide qu'il se sent poussé par une force irrésistible
à sauter dans l'inconnu.
- La chevelure d'or des comètes madame.
Ces
mots qu'il s'entend prononcer le surprennent. Il ne sait pas si
madame Ardouin est surprisecomme lui mais en tout cas elle ne
répond pas tout de suite.
- Vous savez, Adrien, il n'y a pas que pour don Juan que les chevelures d'or sont importantes.
Adrien
rougit légèrement mais au fond il n'est pas gêné, soulagé
plutôt.
- Vous savez madame j'avais l'impression de sauter de nénuphar en nénuphar, très vite, de peur que qu'ils n'enfoncent.
- Comme de planètes en planètes et de nébuleuses en nébuleuses.
- C'est exactement ça madame.
- Et vous cherchez les forces neuves parce que ça ne va pas fort entre vos parents comme lorsque votre mère était venue me voir en début d'année.
Adrien se crispe,
puis se détend et sourit.
- C'est ça, exactement ça, madame !
- Ce qui vient de vous arriver, Adrien, il ne faudra jamais que vous l'oubliiez de toute votre vie : la poésie ça donne des forces!
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