dimanche 13 mai 2012

Abstraction






Les femmes sont parties. Ils restent deux à finir leur petit déjeuner. Le grand-père est son gendre. Et la petite-fille, même pas deux ans et demi, qui vient de glisser de sa chaise rehaussée. Elle joue à côté d'eux qui devisent gravement. Elle apporte une poussette de poupée dans laquelle sont rangées vaille que vaille ses deux bébés de chiffon. Elle apporte également une grosse boite rouge pleine de clipos.

D'un commun accord ils s'arrêtent de parler. Ni l'un ni l'autre ne se lasse de la regarder. Ses yeux noirs rieurs, sa bouche aux lèvres retroussés, la douceur de ses traits d'enfants aux joues rebondies seraient déjà un régal au repos alors que dire lorsqu'ils sont animés par un tel élan de vie?

Elle sort des clipos qui ont effectivement une couleur de pain de la boite et les met sur le ventre des poupées.

- Tenez, bébés, du pain.

Elle sort trois clipos jaune, rouge et vert attachés ensemble.

- Tenez, bébés une prune,

Elle se ravise.

- Non, il faut enlever la peau.

Elle détache le clipo vert et tend les deux autres vers les poupées.

- Tu te rends compte, à son âge, ta fille a déjà une pensée symbolique?

- Une pensée symbolique?

- Oui, Elle fait le lien entre ses clipos et une prune avec sa peau. Elle a le sens de l'abstraction.

- C'est quoi, grand-père, l'a'stra'tion?

- ??????

- C'est quoi, grand-père, l'a'stra'tion?

- Elles sont belles tes poupées. Qui te les a données?