mardi 29 mai 2007

Le compte est bon

Le docteur Lenoir regarde avec inquiétude le petit Paul. Il n’arrive pas à établir le contact avec cet enfant de huit ans si ouvert d’habitude et qu’il voit tous les six mois pour une visite de routine. Sa mère, la belle madame Legendre, est manifestement très inquiète. Ses yeux verts qui font en temps ordinaires l’admiration du docteur Legendre ont perdu tout leur éclat. Ils guettent les réactions du médecin de famille, ils implorent de sa part des propos rassurants.

Sur les genoux de madame Legendre est ouvert le cahier où depuis une semaine et demi -une semaine et demi, docteur- Paul inscrit ses seuls contacts avec le monde extérieur : 2155, 5317, 8932, …. Une série de chiffres qui ont remplacé toutes les paroles, tous les rires, tous les jeux. A l’école c’est pareil. L’élève éveillé et enjoué s’est refermé comme une huître. Il semble complètement englouti dans ses pensées intimes. De temps en temps il inscrit un nouveau chiffre sur le cahier, un chiffre toujours plus grand. Alors seulement, pour quelques instants il semble se détendre puis, bien vite, il repart dans son obsession –huit ans, pensez donc, docteur.

Sur ce comportement, qui à la longue affole, rien n’a prise, ni les distractions, ni les questions, ni les supplications, ni les réprimandes même.

Attentif aux réactions de son fils le docteur Lenoir interroge madame Legendre.

- Non, il ne s’est rien passé de particulier, pas de maladie, pas de décès, pas de problèmes de situation, pas de dispute entre les parents.

A ces mots la voix de la mère se brise un si court instant que le docteur Lenoir se demande s’il ne l’a pas rêvé. Simplement, sans le vouloir, il a haussé le sourcil. Paul en tout cas semble ne rien avoir entendu, poursuivant sa secrète rumination.

La mère se reprend immédiatement.

- C’est curieux, c’est comme s’il n’arrêtait pas de compter

Le docteur Lenoir remarque un imperceptible cillement de Paul. Il demande à la mère de lui passer le cahier de son fils. Il regarde les chiffres, de plus en plus grands. Le dernier inscrit est 117 327. Tu dois en être à cent vingt mille au moins, dit le docteur Lenoir.

Paul prend le cahier et un stylo sur le bureau du médecin. Il inscrit 121 315. Il a l’air fier. Les deux adultes se regardent. L’inquiétude de la mère n’a plus de borne. Son fils doit être fou. Le docteur Lenoir perçoit son inquiétude. Elle n’a pas besoin de parler. Il ferme les yeux, écoute le silence entre eux trois. Il sent que c’est la mère qui aurait des choses à dire. Des choses sans doute qu’elle ne peut pas dire à son fils, qu’elle ne veut pas dire à son médecin de famille.

-Madame, Paul vous dit que malgré vos difficultés il est votre fils, et qu’il compte pour vous.

Soudain l’enfant se détend et se tourne vers sa mère en souriant.


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dimanche 27 mai 2007

Les rutilants- Détruire la misère

Le samedi c’est plus tranquille. Il y a moins de monde sur le luxueux campus construit au milieu de nulle part pour que s’arment les futurs capitaines, colonels et généraux de la guerre économique. Ils arrivent ici abrutis de travail et de sélection, pleins d’une histoire de réussite. Ils en sortent parfois encore plus vains.

Cet après-midi-là deux d’entre eux, appelons-les les rutilants, partent pour une cité de banlieue où reprennent souffle les plus pauvres des pauvres. Une autre histoire. Les rutilants ne savent rien d’eux. En dehors d’eux presque personne ne sait rien d’eux. Et eux-mêmes ont oublié leur histoire, celle des exclus du mouvement général d’enrichissement de la société. Simplement, génération après génération, ils se battent. Ils se battent pour eux, pour leurs enfants, pour qu’on leur laisse leurs enfants.

Avant d’entrer dans la cité les rutilants ont rencontré une femme, une volontaire du mouvement ATD Quart-Monde, qui leur a dit que peu importait le nombre de vélos qu’ils répareraient avec les jeunes. Qu’ils n’étaient pas là pour ça. Qu’ils étaient là pour comprendre ce que vivaient ces familles. Pour pouvoir leur rendre leur histoire, l’histoire de ce quart-monde sans cesse occulté.

Maintenant les rutilants sont face à un petit groupe d’adolescents qui les encercle, qui les insulte gentiment. L’un d’eux s’amuse à les attaquer par derrière, à leur toucher les fesses. Ils arrivent à s’adosser au mur et petit à petit la discussion s’engage, des choses se disent.

Les rutilants ressortent épuisés, fiers d’avoir tenu, heureux du chantier de réparation amorcé, pressés de partir. Mais non, il faut d’abord qu’ils écrivent leur rapport d’observation, qu’ils comprennent ce qui s’est passé, la violence initiale, qu’ils inscrivent leur contribution d’humbles artisans de connaissance. Et en plus ils se font engueuler de ne pas avoir compris ça. Il ne s’agit pas de soulager la misère, de faire passer un moment constructif à une bande d’adolescents désœuvrés. Il s’agit de détruire la misère et il n’y a pas d’autre moyen de le faire qu’à partir de l’expérience et du désir des plus pauvres. La société tout entière doit se mettre à leur école.

Alors peut-être les rutilants reviendront-ils samedi prochain. Peut-être deviendront-ils au fil du temps crédibles auprès de ces jeunes. Peut-être comprendront-ils un jour qu’une société qui tolère en son sein la misère est une société malade. Peut-être la vie leur enseignera-t-elle qu’une société qui fait de la promotion des plus pauvres un de ses objectifs majeurs a toutes chances d’être une société plus vivable pour tous ses membres, plus humaine. Peut-être.



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mercredi 23 mai 2007

Une coccinelle dans un champ de coquelicots

-Mais c’est pas vrai ça !

Je ne cherchais pas à retenir mon cri du cœur, mon cri de joie, en lisant cette lettre que m’avait fait suivre la chaîne de télévision publique qui avait programmé ma participation à une émission culturelle à une heure de faible écoute, vingt-trois heures trente, un soir de semaine, il y avait quinze jours de cela. Il faut dire que mon livre, tiré de ma thèse sur les figures rhétoriques dans l’œuvre de Chrétien de Troyes, n’était pas destiné à un large public. Si je suis parfaitement honnête avec moi-même je dois reconnaître que le fait que je couche tous les quinze jours environ avec le producteur de l’émission, qui apprécie ma chute de reins plus encore que ma conversation, n’avait pas été complètement étranger à cette malgré tout flatteuse programmation.

Cela, bien sûr, les rares téléspectateurs ne pouvaient pas le savoir, pas plus qu’ils ne pouvaient savoir que la petite fille que j’avais été avait reçu l’inguérissable blessure de sa vie lors du décès accidentel de son père, le jour de son huitième anniversaire. La mort de ce père adoré, dont maman s'était si vite consolée, n'avait jamais cessé depuis lors de me hanter. J'aurais tant aimé devenir comme lui une brillante physicienne, mais mon incapacité aux mathématiques, héritée de ma mère, m'avait transformée en chasseresse d'anacoluthes, en spécialiste de la rhétorique dans les langues romanes du moyen-âge. Du moins mené-je des recherches.

La lettre que j'avais entre les mains provenait de l’ancien directeur du laboratoire où travaillait mon père. Il devait souffrir d’insomnies car il était tombé par hasard sur mon passage à la télévision. J'avais gardé le nom de mon père et mon prénom, tous les deux singuliers et c'est ce qui lui avait permis de m'identifier. Même mon oublieuse mère m'avait transmis la mémoire respectueuse de cet homme dont on avait parlé plusieurs fois pour le prix Nobel.

Il m'écrivait des choses touchantes et simples sur mon père, sur les grands espoirs scientifiques qu'il avait mis en lui. Il se souvenait que sur son bureau trônait une photo en noir en blanc de sa fille toute petite, dans un étrange costume au milieu de fleurs presque plus hautes que moi. Mon père lui avait expliqué que j'étais en fait déguisée: j'étais une coccinelle dans un champ de coquelicots. Le grand professeur ajoutait que cette histoire de champ de coquelicots avait eu une grande importance dans l'histoire des travaux scientifiques que mon père et lui avaient menés.

Je marche maintenant dans la campagne printanière à côté de ce vieux monsieur pétillant d'intelligence. Nous nous arrêtons au bord d'un champ de coquelicots en fleurs. Il me parle alors de la photo, des travaux que menait mon père. Je lui dis que malheureusement je ne comprends pas. Il me demande alors de quelle couleur je vois le champ de coquelicots. Il est d'un beau rouge qui ondule au vent. Il me demande alors de quelle couleur il serait si je le voyais de dessus. Je dis que je ne sais pas, qu'il faudrait avoir un hélicoptère. Il sourit et ne dit rien. Nous continuons à marcher côte à côte, gravissant la butte sur laquelle est bâti le village moyenâgeux où il habite. Nous arrivons sur un point de vue qui domine la plaine. Il me fait remarquer le champ de coquelicots. Je vois que d'ici il est du vert du blé en herbe avec une légère brume rouge. Le vieil homme m'explique que c'était ça qui avait donné l'idée à mon père et à lui d'utiliser de la lumière dans différentes directions pour comprendre la structure de la matière.

Nous restons côte à côte un long, long moment côte à côte en silence à regarder le champ aux reflets de coquelicots. Pour la première fois depuis la mort de mon père je sens sa présence auprès de moi.






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samedi 19 mai 2007

L’ami Roger

Avant de connaître Roger je n’avais jamais eu d’ami et après avoir connu Roger il n’est plus possible d’avoir d’autres amis.

Roger, en plus d’être mon meilleur ami, mon seul ami, est aussi mon patron. Pour être tout à fait précis je devrais dire : était mon patron. Quand je l’ai appelé hier après-midi de l’aéroport, de retour d’un voyage de trois semaines en Afrique pour trouver de nouveaux clients, c’est lui qui m’a rassuré sur ma crise de paludisme, il paraît qu’on n’en meurt pas, même si on n’en guérit jamais vraiment. C’est lui encore qui m’a consolé de l’échec de ma mission. Quand je vous dis que Roger c’est un ami. Il m’a expliqué que pour le remboursement des billets d’avion et des autres frais de voyage il faudrait que je m’adresse au nouveau patron parce que, pendant que j’étais parti, Roger a vendu la boite. C’est pour ça que je vous ai dit tout à l’heure que Roger était mon patron. Il l’était parce qu’il ne l’est plus. Vous comprenez ?

Et puis Roger a rajouté que peut-être que le nouveau patron aurait envie de moi, un type qui partait trois semaines en Afrique sans rien réclamer. J’ai tout de suite pigé ce qu’il voulait me dire, Roger. Quand je vous dis que des amis comme ça on n’en fait plus ! C’est sûr que si je me pointe maintenant pour réclamer quoi que ce soit, le patron, il va pas me garder. « Pas me reprendre » a rectifié Roger (Roger c’est pas seulement mon ami, c’est aussi quelqu’un de très précis) parce que pour faciliter la vente de la boite il avait dû me licencier. Il est malin, Roger ! Il a fait une lettre de licenciement datée d’il y a trois mois et il a imité ma signature pour le récépissé. Mais il m’a dit que pour les salaires qu’il m’avait versés depuis je ne lui devais rien. Entre amis, n’est-ce pas ?

J’ai de nouveau appelé Roger quand je suis arrivé à la maison et que j’ai vu qu’il n’y avait plus ma femme, plus mon fils, plus les meubles. Il s’est comporté comme un vrai ami, Roger. Au début, il n’a rien dit, puis il a commencé à rire d’un rire généreux qui m’a réchauffé le cœur. S’il riait comme ça, c’est que ça ne devait pas être trop grave. Il faut dire que Maryvonne, c’est ma femme, et Pierre, c’est mon fils, il les aime, Roger. Maryvonne, il faut voir comme il la fait plier de rire quand il m’appelle « couille molle ». C’est Maryvonne elle-même qui a voulu qu’il soit le parrain de mon fils. Souvent les hommes se plaignent que leurs femmes ne veulent pas voir les amis de leur mari à la maison. Chez moi c’est tout le contraire. J’ai de la chance. Ou plutôt j’avais de la chance, puisque maintenant Maryvonne est partie. Elle a toujours aimé que mon meilleur ami, mon seul ami, vienne à la maison.

Et en plus il s’occupait super bien de son filleul. Tu trouves pas qu’il se ressemblent tous les deux ? me disait souvent Maryvonne. C’est vrai que quand elle me le disait je trouvais qu’ils se ressemblaient vraiment.

Pour en revenir à mon histoire, Roger, il riait tellement au téléphone quand je l’ai appelé de mon appartement vide que j’ai fini par rire à mon tour. On a piqué tous les deux un de ces fou-rires ! Ce que c’est que l’amitié !. A la fin Roger, il n’en pouvait plus. Il m’a dit en étouffant de rire : « Si ta femme revient, n’oublie pas de m’appeler ». Et puis il a raccroché. Comme ça.

C’est sûr que si Maryvonne revient la première personne qui sera au courant ce sera mon ami Roger.



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samedi 12 mai 2007

Dix ans

La salope ! Elle m’a immédiatement appelé. Elle se marrait au téléphone. Elle m’a dit qu’avec mes 53% j’en prenais pour au moins dix ans, pas moyen de me défiler. Mes amis, mes riches amis, ne me laisseront pas décrocher comme ça. C’est sûr, leurs foutus journaux vont tout faire pour que je sois réélu. J’ai été vraiment con avec mon histoire de rasoir et d’ambition. Au début j’ai fait ça juste pour embêter le vieux, pour voir la tronche qu’il me tirerait au prochain Conseil des ministres. J’aurais mieux fait de me laisser pousser la barbe !

En tout cas elle m’a bien roulé, la salope. Y a pas à dire, en politique, les bonne-femmes c’est plus malin que les mecs. Lors de leur foutu débat je m’étais débrouillé pour pas être bon sans que mes conseillers, mes sponsors, mes amis, puissent se rendre compte de rien. Y faut dire que ce sont pas tous des génies. Y a qu’un écrivain américain vachement fort, il paraît qu’il écrit directement en français , qui s’est rendu compte de mon truc. Il avait coupé le son pendant l’émission et il a bien vu que j’avais face à elle une attitude de toutou craintif..

Quand elle a piqué sa fameuse colère à propos des handicapés je me suis dit : ça y est, c’est gagné, j’ai perdu. Pendant qu’elle parlait je voyais des centaines de milliers de voix de centristes passer de son côté. J’allais être proprement karchérisé. J’allais pouvoir réaliser mon rêve de toujours, regarder pousser mes poireaux, devenir Nicolas le jardinier. Mais le lendemain, patatras, tout le monde a su que son truc était bidon et j’ai tout récupéré. Quand je vous dis qu’elle est vachement fortiche.

Quelle plaie, tout à l’heure il va falloir que j’aille les saluer, tous mes supporters hystériques. La connasse, l’autre femme de ma vie, veut absolument qu’après j’aille au Fouquet’s. Pour l’emmerder j’en sortirai en jean. Mais je vais pas couper au bronze-cul-cul débile sur un voilier. Moi qui ai le mal de mer et de l’eczéma à cause du soleil. Mais il paraît que je ne peux pas refuser à mes amis le plaisir de me faire plaisir. Ça sera toujours comme ça maintenant. Avec eux on rigole pas. Ils sont riches. Très riches même.

S’ils savaient que dans ma tête je rêve d’être le petit Nicolas, le gamin de Sempé.

Putain, dix ans, qu’est-ce que ça va être long !

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Homme de ma misère

Homme de la misère
Tu veux gagner ton pain
Comme moi. Comme moi.

Homme de la misère
Tu veux payer ton toit
Comme moi. Comme moi.

Homme de la misère
Tu veux façonner ton destin
Comme moi. Comme moi.

Homme de la misère
Tu veux protéger tes enfants
Comme moi. Comme moi.

Homme de la misère
Tu aimes la beauté
Comme moi. Comme moi.

Homme de la misère
Tu veux être solidaire
Comme moi. Comme moi.

Homme de la misère
Nous détruirons la misère
Toi et moi. Toi et moi.

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vendredi 4 mai 2007

J’ai embrassé l’aube d’été (Rimbaud)

Ce sera bientôt mon tour. Dans la file des condoléances j’observe à la dérobée la vieille femme que je vais devoir tout à l’heure embrasser. Son visage huileux et bouffi, ses maigres cheveux grisâtres, son nez couvert de pustules rougeâtres, son corps énorme, difforme, tout me dégoûte en elle, l’ancienne pute du village qui avait fait jadis fait battre les cœurs de nos grand-pères, qui les avait sans doute tous dépucelés.

Mais moi, aussi longtemps que je m’en souvienne, je l’avais toujours connue obèse et repoussante. Les chenapans que nous étions s’étaient copieusement moqué d’elle et de son compagnon bien mal assorti, un ancien client de la ville à ce qu’on disait, un homme aussi sec qu’elle était grosse, aussi réservé qu’elle était exubérante. Un ancien professeur de lettres venu la rejoindre à l’age de la retraite. Pour affronter notre hostilité imbécile de gamins, nos cruelles persécutions, ils sortaient ensemble pour faire les courses dans le village. Elle était toujours prête à répondre à nos insultes par des insultes, à montrer le poing dans notre direction. Lui ne disait rien et portait le panier.

Cette époque était révolue. Nous avions grandi, nous avions fait notre vie. Il y avait moins de jeunes au village, ils étaient plus ouverts sur le monde. Eux, les vieux, ne sortaient plus guère. Nous devions avoir vaguement honte de nos forfaits de l’époque, des sonnettes tirées dans la nuit, des vitres brisées au lance-pierres, car nous étions tous là. Enfin tous ceux qui habitaient encore le village. Au fond ce qui avait suscité notre méchanceté, à l’age où la sexualité est une inquiétante découverte, c’était le fait que cette femme si abîmée par la vie ait pu susciter dans nos familles des émois si semblables aux nôtres pour les filles des magazines.

J’arrive enfin devant elle. Elle m’enveloppe de ses bras gélatineux et j’ai l’impression de me noyer. Je sens des larmes qui coulent de ses yeux sur mes joues. Après un instinctif mouvement de recul je me laisse aller. Il n’y a pas moyen de lutter. Elle me dit en sanglotant :
- Pierre, comme c’est gentil d’être venu. Il était si heureux que tu sois devenu professeur de français comme lui. Il va tellement me manquer. Sais-tu qu’il me disait toujours le soir, après m’avoir embrassé, j’ai embrassé l’aube d’été ? C’est beau n’est-ce pas ? Une vieille femme comme moi.


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mardi 1 mai 2007

Confiance

-Ma voiture n’a pas démarré ce matin.
-Tu aurais pu me téléphoner
-Ton numéro est enregistré dans mon portable et je l’avais oublié au bureau
-Je crois que tu étais avec une autre.
-Chérie, tu sais bien que non !

Il est attendrissant cet homme qui est à moi. J’aime le faire enrager en jouant les jalouses. Il est pourtant si différent de ses congénères, en permanence occupés à déchiffrer la partition obsédante de leurs désirs érotiques -Tiens, j’aime bien cette formule : la partition obsédante de leurs désirs érotiques. Ça sonne juste. Il faudra que je la réemploie- Il paraît qu’un homme ça pense en moyenne au sexe plus de cent fois par jour !

Mais lui, c’est différent. Il a dans son esprit plus d’élévation. Il me dit lui-même qu’il pense à moi plus de cent fois par jour. La vie avec lui est si merveilleuse ! Alors j’ai pleinement confiance.

… et puis je garde toujours dans ma poche la clé de l’appareillage qui tient son sexe encagé.

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