dimanche 27 mai 2007

Les rutilants- Détruire la misère

Le samedi c’est plus tranquille. Il y a moins de monde sur le luxueux campus construit au milieu de nulle part pour que s’arment les futurs capitaines, colonels et généraux de la guerre économique. Ils arrivent ici abrutis de travail et de sélection, pleins d’une histoire de réussite. Ils en sortent parfois encore plus vains.

Cet après-midi-là deux d’entre eux, appelons-les les rutilants, partent pour une cité de banlieue où reprennent souffle les plus pauvres des pauvres. Une autre histoire. Les rutilants ne savent rien d’eux. En dehors d’eux presque personne ne sait rien d’eux. Et eux-mêmes ont oublié leur histoire, celle des exclus du mouvement général d’enrichissement de la société. Simplement, génération après génération, ils se battent. Ils se battent pour eux, pour leurs enfants, pour qu’on leur laisse leurs enfants.

Avant d’entrer dans la cité les rutilants ont rencontré une femme, une volontaire du mouvement ATD Quart-Monde, qui leur a dit que peu importait le nombre de vélos qu’ils répareraient avec les jeunes. Qu’ils n’étaient pas là pour ça. Qu’ils étaient là pour comprendre ce que vivaient ces familles. Pour pouvoir leur rendre leur histoire, l’histoire de ce quart-monde sans cesse occulté.

Maintenant les rutilants sont face à un petit groupe d’adolescents qui les encercle, qui les insulte gentiment. L’un d’eux s’amuse à les attaquer par derrière, à leur toucher les fesses. Ils arrivent à s’adosser au mur et petit à petit la discussion s’engage, des choses se disent.

Les rutilants ressortent épuisés, fiers d’avoir tenu, heureux du chantier de réparation amorcé, pressés de partir. Mais non, il faut d’abord qu’ils écrivent leur rapport d’observation, qu’ils comprennent ce qui s’est passé, la violence initiale, qu’ils inscrivent leur contribution d’humbles artisans de connaissance. Et en plus ils se font engueuler de ne pas avoir compris ça. Il ne s’agit pas de soulager la misère, de faire passer un moment constructif à une bande d’adolescents désœuvrés. Il s’agit de détruire la misère et il n’y a pas d’autre moyen de le faire qu’à partir de l’expérience et du désir des plus pauvres. La société tout entière doit se mettre à leur école.

Alors peut-être les rutilants reviendront-ils samedi prochain. Peut-être deviendront-ils au fil du temps crédibles auprès de ces jeunes. Peut-être comprendront-ils un jour qu’une société qui tolère en son sein la misère est une société malade. Peut-être la vie leur enseignera-t-elle qu’une société qui fait de la promotion des plus pauvres un de ses objectifs majeurs a toutes chances d’être une société plus vivable pour tous ses membres, plus humaine. Peut-être.



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