mercredi 28 octobre 2015

La photo



 



 


  • Regardez Tantine, la photo qu’a faite Gérard le week-end dernier en allant à G.
  •  ???
  • Là, dans l’écran de mon téléphone. C’est comme ça que ça se passe maintenant les photos, Tantine. Gérard a pris la photo sur son téléphone et hop ! il me l’a envoyée dans ma boite aux lettres.
  •  ???
  • Vous reconnaissez ?
  •  ???
  • Mais si vous devez bien reconnaître. Voyons. C’était votre ancienne maison de vacances. Vous voyez le grand figuier qui bouchait toute la cour ? On vous plaisantait tout le temps en disant que si vous ne le coupiez pas il allait finir par tout envahir.
  •  ???
  • Et bien les nouveaux propriétaires l’ont taillé et ils l’ont gardé.
  •  ???
  • Le reste a bien changé. A la place de votre appartement au rez-de-chaussée il y a des boutiques. Vous voyez sur la droite, là où il y avait votre cuisine il y a un magasin de confiseries-salon de thé. Vous voyez il y a des tables dehors pour les clients.
  •  ???
  • Et à la place de votre chambre il y a une boutique de fringues ! Dans le grenier il y a la boutique d’un artisan qui fait des bijoux en verre et le salon d’une esthéticienne. Vous verriez ça, c’est splendide ;
  •  ???
  • Bon Tantine, il faut qu’on y aille. Ça fait plaisir de voir que vous avez l’air en pleine forme. On vous embrasse de la part de Gérard aussi. Il vous aime bien aussi, le fiston.
  •  ???




  • Ouf, ils sont partis. Quelle idée de m’apporter cette photo de ma vieille maison de vacances. Je l’aimais tant. Pourquoi ils m’ont forcé de la vendre avant d’aller en maison de retraite ?


 

samedi 7 février 2015

Ligne une XIII

Tout est inhabituel: la direction dans laquelle il va, aujourd'hui c'est vers l'est au lieu de l'ouest, le jour et l'heure, un samedi matin à sept heures et demi, généralement le samedi il n'ouvre pas les yeux avant huit heures. Il a mis son réveil trop tôt, il va arriver au lieu du rendez-vous en avance et trouver porte close. Quelle idée il a eue?

Il fait froid et humide dehors. Il décide de rester un quart d'heure au chaud dans la station pour s'éviter une attente à battre la semelle sur un trottoir. Il a le supplément Livres du Monde à finir. Cela tombe bien.

Les fauteuils de la station ont un peu une forme de coquetiers. Ils sont sensés dissuader les personnes sans domicile fixe de s'y installer. Et zut pour les esprits pervers qui ont transformé des sièges en instruments de torture!  Pour l'instant ce sont ses fesses qui sont inconfortablement resserrées. 

Il replie son journal. C'est l'heure de repartir. En se levant il est surpris par le spectacle de deux pieds nus, orteils en éventail. Un homme qu'il n'avait pas remarqué, trop absorbé par sa lecture est couché entre deux rangées de sièges au milieu de tout un barda. Il a étalé des vêtements qui ont l'air d'avoir séché toute la nuit sur plusieurs des inconfortables fauteuils coquetiers. 

Joli pied de nez à ceux qui veulent interdire le mobilier urbain aux gens de la rue!

Au retour de son rendez-vous il sort de sa station habituelle. Une jeune femme assise par terre dans le couloir du métro lui demande de l'argent. Il passe sans paraître la voir ni l'entendre et puis, sans qu'il sache pourquoi, se ravise et lui fait un beau sourire, un sourire qui le surprend lui-même. La jeune femme lui souhaite alors le bonjour.