mardi 7 mai 2013

Ligne une X


Haïku





Sensation de printemps



L'escalier. Marche après marche



Il s'extrait du vide

jeudi 2 mai 2013

Au restaurant à midi


Il ne pouvait regarder dans la rue qu'en traversant leur couple vue dont la manière dont ils étaient placés, lui assis dos au mur attendant qu'on vienne prendre sa commande, les mains posées à plat sur une étroite table carrée, eux déjà en train de déjeuner attablés à une table non moins qui tenait la totalité de la largeur de l'étroite vitrine sur la rue jusqu'à la porte d'entrée du restaurant. Le dispositif était si serré qu'ils auraient aussi bien être assis trois à la même table.



Il était arrivé après le coup de feu de midi. Il y avait une table disponible sur le trottoir mais pour être plus au calme il avait préféré s'installer à l'intérieur malgré le soleil agréable qui honorait enfin la saison. Il avait de prime abord jeté un regard distrait au couple attablé à sa droite: un élégant sportsman ayant dépassé la soixantaine, cheveux blancs taillés courts et une femme d'apparence agréable à l'épaisse chevelure blonde. Ce fut le ton enjoué de la femme qui louait la qualité du restaurant italien qui attira son attention. L'établissement ne lui semblait pas mériter de tels éloges. Ce n'était qu'un banal restaurant fréquenté à midi par des employés d'un quartier animé de Paris où se mêlaient bureaux, boutiques et cinémas. Il remarqua d'un coin de l'œil que ses voisins s'embrassaient de la manière discrète qui convenait à leur âge.



Il jeta alors un coup d'œil en direction de la rue comme il estimait en avoir le droit. La femme avait l'éclat des bourgeoises riches qui s'ingénient à force d'une vie confortable et de soins adaptés à retarder ou masquer les atteintes de la vieillesse. Il ne savait pas au juste quel âge lui donner mais elle avait certainement dépassé depuis quelques années le zénith de sa vie. Plus que ses traits bien conservés ses mains déjà noueuses trahissaient le temps déjà passé. Elle était vêtue d'une manière très simple,à à la limite de la gêne lui sembla-t-il, mais soignée. Elle avait l'air d'avoir été dépouillée de ses bijoux. Le seul qu'elle portât était une très fine chaîne en or au bras gauche avec trois ou quatre pendeloques. Des enfants, des maisons, il ne distinguait pas bien. Il en avait parfois vus comme autant de trophées de maternité aux bras de mères de familles. Il lui sembla qu'il n'avait jamais remarqué aussi peu d'or pour ce type de bijoux.



Il ne voulait pas montrer sa curiosité et détourna le regard de la rue. La femme parla de bouteilles qu'elle pensait remplir d'huile d'olive et d'un produit dont il ne comprit pas le nom pour les offrir à l'homme.

- C'est quelque chose que j'ai l'habitude de faire et que mes amis apprécient.

- Je pourrais en mettre une dans ma cuisine.

- Dans le macramé?

- Oui c'est ça, dans le macramé.

Il lui sembla qu'il y avait une nuance de satisfaction dans la voix de la femme à parler d'un macramé dans la cuisine de l'homme.



Il perdit la suite de la conversation le temps qu'il commande sa pizza et son pichet de vin rouge. Maintenant il sirotait le vin rouge l'air absent mais l'oreille attentive. La voix heureuse et imperceptiblement cajoleuse de la femme l'intéressait. Il sentit qu'elle jouait gros aux portes du bonheur sans être encore sûre d'en avoir franchi le seuil.



- Est-ce que tu veux prendre du dessert, chéri?



Elle avait dit "chéri" avec une nuance d'hésitation dans la voix mais le mot était bien entré dans leur conversation.



- Généralement je ne prends pas trop de choses sucrées.

- Tu peux prendre un dessert pas trop sucré.

-Tu as raison. Regardons.

- Ils ont aussi du tiramisu mais c'est peut-être trop sucré.



Perdu dans ses réflexions la suite du dialogue lui échappa. Pour la femme c'était une petite victoire d'avoir pu conduire l'homme à prendre un dessert.

Il se demanda ce qui se passerait s'il intervenait dans la conversation du couple, s'il commençait à faire la cour à la femme. Pouvait-il lui proposer un meilleur parti? Il était beaucoup plus jeune que le sportsman. Pouvait-il imaginer la ravir à son compagnon?



Cette nouvelle idée le distrayit un instant. Il ne pouvait d'agir que d'une rêverie sans conséquence, si ce n'est qu'elle éloignait son esprit de la scène qui se déroulait sous ses yeux. Du reste sa pizza arrivait et il ne voulait pas manquer de la savourer.



Lorsque sa première faim fut apaisée et qu'il releva la tête de son assiette il vit que la femme tenait en main une chemise rayée bleue et rose qu'elle semblait offrir à l'homme.



- Je suis sûre que tu n'aimes pas la couleur.

- Mais si, j'aime la couleur, voyons. Si je ne l'aimais pas, je te le dirais.

- Si tu veux la changer tu peux, j'ai gardé le ticket de caisse.

- Mais non, je l'aime beaucoup.

- C'est vrai?

- Mais oui,d'habitude je n'ai que des chemises unies. Ça change.



La conversation en resta là sur ce sujet car on apporta les desserts qu'ils avaient commandés au couple. Ils commencèrent à les déguster en silence et il en profita pour demander l'addition.



-Tu étais vraiment fâché contre moi après la Saint Valentin.

- C'est fini. Maintenant on se retrouve.



Il calcula que leur brouille avait duré deux mois. Qu'avait-il fait pendant ces deux mois dans sa cuisine a macramés? Et elle? Il aurait aimé le leur demander mais ils se réfugièrent dans le silence au lieu de s'épancher. Les idiots!



Le patron vint encaisser son déjeuner. Il quitta le restaurant sans leur adresser un regard, fier de sa discrétion.

Il l'avait bien dit


 


Je suis lâche- Je suis coincé- J'ai peur !



Trois mois d'éloignement. Trois mois de dés-envoûtement. J'ai cru que j'avais repris le fil de ma vie, que je n'aurais plus à vivre en permanence au bord du gouffre, à risquer à tout moment de me fracasser, à la merci d'une imprudence.



Mais non ! Je lui suis revenu dès qu'elle m'a sifflé. Comme un toutou. J'ai honte. Comme j'ai honte !



Ce n'est plus possible ! Cette fois-ci je vais me battre. Je vais mordre. Je vais rompre. Rompre !



Je vais résister à ses pleurs, à ses violences verbales, à ses menaces, à ses supplications surtout. Moi aussi je peux être violent. Je vais retourner contre elle sa violence. Je vais commettred l'irréparable. Tiens, je vais franchir le Rubicon !



  • Tu as mauvaise mine mon chéri. Comme tu as dû souffrir !
  • Ça y est, c'est fini. Je comprends tu sais que tu aies eu besoin de réfléchir, de prendre tes distances. Moi aussi parfois.
  • J'ai toujours cru en toi. Tu es quelqu'un d'extraordinairement solide. Mais si, je t'assure. Je sais que je peux m 'appuyer sur toi.
  • Donne moi ta mail. Ce que je l'aime ta main ! Tu permets que je l'embrasse ?
  • Détends toi, mon chéri. Ma main sent la tension sur ton front.
  • Là, je me sens si bien, serrée contre toi.
  • Tu te souviens, notre premier baiser ?
  • C'est merveilleux, mon chéri. On s'aime si fort, tu vois.
  • Maintenant il faut que tu téléphones à ta femme. Tu dois tout lui dire. Par respect pour elle tu ne dois plus la laisser dans l'ignorance. Tu dois faire cela pour elle, sortir du mensonge vis-à-vis d'elle. C'est la mère de tes enfants. Tu lui dois cela.

    Elle lui tendit alors son téléphone portable avec une implacable douceur