jeudi 26 juillet 2007

Une sensation de vacuité

Ça y est. Je l'ai eue. Elle est morte !

Depuis le temps que j'essayais ! J'avais vraiment tout essayé ! Quand j'étais plus jeune j’ai fait toutes sortes de tentatives, surtout de la noyer, dans un saladier d'alcool, ou de la faire crever d'une overdose. Mais rien à faire. Elle s'en était toujours tirée. Remontant à l'assaut dès qu'on était sorti des vapes, elle et moi, pour me faire sa foutue morale. Comme si je n'allais pas parfaitement réussir sans ses foutus conseils. Comme si je n'étais pas aujourd'hui, malgré ses jacasseries, jalousé, craint, détesté même, par mes concurrents, par mes salariés.

Devenu adulte j'avais changé de technique. Je lui avais raconté des histoires, je lui avais menti. Elle aurait pu comprendre que c'était pour son bien, que c'était pour l'épargner. Après tout on était né le même jour, du même sang. Elle aurait dû comprendre que ça ne servait à rien d'être comme ça, tout le temps, sur mon dos. Au fond, cette relation qu'elle avait avec moi était très malsaine, pour elle. Et aussi pour moi. C'était vraiment plus possible.

C’est quand j’ai humilié Duranton devant toute son équipe, et que je l’ai même poussé à démissionner malgré ses trois jeunes enfants, parce que je n’aimais pas la couleur de ses cravates, et qu’elle n’a rien dit, que j’ai su que ce coup-ci elle était vraiment morte.

Et pourtant de l'avoir tuée, ma conscience, ça ne m'a pas vraiment soulagé. Ça me laisse un atroce sentiment de solitude, une sensation de vacuité.

lundi 23 juillet 2007

Moderne Cendrillon

La surprise est de taille qui conduisit à un an d’effervescence médiatique autour de l’empire-principauté de Cancanie, petit état paisible au cœur de l’Europe, héritier du grandiose empire éponyme.

Il faut dire que les implications économiques ne manquaient pas à cette histoire. La Cancanie envoyait dans le monde entier des boites métalliques de biscuits avec la mention By appointment of her Imperial Majesty. Si le prince Erick, le fils unique de l’empereur vieillissant ne se mariait pas il ne pourrait pas monter sur le trône, telle était l’implacable loi de la libérale Cancanie, et s’en serait fini de l’impériale recommandation pour les biscuits.

Mais c’était surtout l’intérêt médiatique qui dominait pour les cœurs innombrables dans le monde qui s’émeuvent des vicissitudes des célébrités. Le prince Erick était fort beau mais il vivait depuis l’age de quinze enfermé dans sa chambre où il refusait de recevoir quiconque, à plus forte raison de songer au mariage. La presse people du monde entier s’interrogeait périodiquement sur son destin. On peut imaginer quel fut l’émoi, en Cancanie et ailleurs, lorsque le palais annonça que le prince avait disparu pendant trois jours et qu’à son retour, sans donner aucun détail sur son escapade, il avait fait l’aveu qu’il avait enfin trouvé, puis perdu, l’âme sœur avant de se murer dans un silence absolu. Le premier ministre en personne devait s’exprimer en direct devant la nation sur ce grave sujet et faire une révélation fracassante. L’intervention était prévue dans une semaine, le temps de doper les ventes mondiales de biscuits cancaniens.

C’est devant les télévisions du monde entier que le premier ministre, sobre et grave, annonça que le prince Erick avait rencontré une personne dont il n’avait pas voulu ou pu livrer autre chose que la photo qu’il avait maladroitement prise : une paire de jambes vêtues d’un pantalon de jogging et chaussées de baskets. Le signalement était des plus vagues mais seule la personne aimée du prince pourrait le sortir de son absolue prostration.

Je vous laisse imaginer les six mois de travail de la police cancanienne pour trier parmi des millions de postulants les quinze mille hommes et femmes qui furent présentés alternativement au prince. Le Parti conservateur ne put s’opposer à cette manière de faire car depuis plus de trente ans la loi de Cancanie autorisait le mariage entre personnes du même sexe et nul ne connaissait les orientations sexuelles du prince.

Malheureusement la place me manque pour poursuivre mon récit mais vous connaissez tous, lecteurs cultivés, l’identité de la personne que le prince, devenu quatre ans après son mariage premier président de l’Europe élu au suffrage universel, épousa. Car son nom appartient désormais à la Grande Histoire.

jeudi 19 juillet 2007

Un rêve étrange

- Cette nuit j’ai rêvé que tu m’apportais des fleurs
- ….
- Des roses rouges je crois
- ….
- Ensuite on faisait l’amour
- ….
- Comme ça fait des années qu’on l’a plus fait je crois
- ….
- Après il me semble que tu me prenais dans tes bras
- …
- Et que tu me posais des questions sur mon travail
- ….
- Et après ça devenait très étrange
- …
- Tu m’écoutes ?
- Mmmm
- Tu me disais que tu avais envie d’inviter ma mère à déjeuner dimanche
- ….
- Mais chéri, qu’est-ce que j’ai dit ? Pourquoi tu t’en vas ?

vendredi 13 juillet 2007

Toucher le soleil

Dès le début je me suis dit que ça ne marcherait pas. Il y avait quelque chose qui clochait dans le reflet qui m'était renvoyé par la vitrine du pressing en bas de chez moi. Je n'en aurais pas mis ma main au feu mais il me semblait bien que ma mère m'avait dit un jour qu'il ne fallait pas mettre de chemise bleu clair avec ma veste de costume vert clair. Et c'est précisément ce que j'avais fait. Pour conjurer le mauvais sort j'aurais dû rebrousser chemin et me changer mais j'allais être en retard et de toute façon je n'étais sûr de rien. J'aurais pu appeler maman pour lui demander confirmation. Mais à trente cinq ans on a son amour propre et l'appeler pour lui poser une question vestimentaire lui aurait mis la puce à l'oreille. Elle se serait immédiatement vue grand-mère. Ma vie privée ne la regardait pas. Elle ne devait pas savoir que j'étais à demi puceau.

Elle ne devait rien savoir non plus de ce rendez-vous de la Saint Jean d'été avec Cécile, une collègue de bureau qui peuplait mes nuits solitaires depuis que je l'avais vue remonter sa bretelle de soutien gorge lors du pot de début d'année. Ce simple geste avait déclenché chez moi des torrents de lubricité qui me laissaient après coup triste et honteux. Mon émoi s'était trouvé accru par l'impression que le geste du début d'année n'avait été nullement fortuit. Cécile semblait ne pas être insensible à mon charme car il lui arrivait fréquemment de rire bruyamment en répétant ce que je venais de dire et en prenant nos collègues à témoin. Eux aussi alors riaient. Elle n'était pas précisément belle, et sensiblement plus âgée que moi, mais en sa présence je me sentais de plus en plus bête, et quand je ne la voyais pas de plus en plus obsédé. C'était une femme, n'est-ce pas?

A ma propre surprise, en ce début de semaine je m'étais jeté à l'eau. Je lui avais proposé de passer avec moi la soirée de la Saint Jean qui tombait un vendredi. Comme ça, avais-je dit, nous pourrions ensemble toucher l'été. Elle avait éclaté de rire: « Toucher l'été. Tu as une drôle de manière d'appeler les choses, mais pourquoi pas après tout » Au début je n'ai pas compris ce qu'elle voulait dire. Et après j'ai réalisé, et mes nuits ont été encore plus enfiévrées. Du coup toute cette maudite semaine j’ai eu du mal à me réveiller le matin et toute la journée j’étais crevé. C’est une des raisons, avec le doute sur la couleur de ma chemise, qui ont fait que je suis arrivé au rendez-vous pas tellement en forme. Sur la chemise heureusement Cécile n’a rien trouvé à redire. Elle a peut-être seulement trouvé bizarres mes questions sur sa couleur et mes explications un peu embarrassées sur maman. Je n’aurais pas dû me lancer sur ce sujet.

En fait je crois que ce qui a précipité les choses c’est mon quatrième bâillement. Elle a interrompu nette sa description de ses dernières vacances en solitaire sur la côte basque. Elle s’est levée de la table de restaurant en me disant : « Pour ce qui est de toucher l’été, tu repasseras »

Depuis nous nous évitons au bureau et je dors mieux.

samedi 7 juillet 2007

Entre les deux yeux

Elle est debout. Inoxydable. Superbe. Comme si elle ne venait pas de vivre l'expérience la plus bouleversante que puisse connaitre une femme: faire l'amour avec moi après que j'ai croqué deux comprimés de Viagra. Sans me vanter, car ce n'est vraiment pas dans mes habitudes, sur ce coup j'ai assuré un max. D'ailleurs je suis complètement rétamé.

Elle me regarde de ses yeux verts où n'importe quel homme aimerait se noyer. Seulement l'oeil noir d'un élégant pistolet de femme à la crosse en nacre me regarde aussi. Enfin j'imagine que le pistolet est élégant avec une crosse en nacre car, pour dire la vérité, je n'ai rien vu venir. La seule chose dont je suis certain c'est que l'oeil du pistolet est noir et mauvais, et braqué sur moi. J'avoue que ça fait drôle ce genre de truc quand on n'a pas l'habitude.

- Mais chérie (j'ai pas compris son prénom russe imprononçable tout à l'heure quand elle m'a abordé à la terrasse du café, depuis je l'appelle "chérie") que se passe-t-il? Et d'abord comment peux-tu tenir encore debout après l'éblouissante partie de jambes en l'air que sans me vanter, car ce n'est vraiment pas dans mes habitudes, nous venons de nous offrir.

J'essaie un petit rire vaguement libidineux mais ça a l'air de tomber à plat. Le canon du pistolet se fait plus menaçant. C'est pourtant vrai que pour mademoiselle j'ai sorti le grand jeu. Dès que j'ai senti le coup se préciser je suis allé croquer en douce deux comprimés de Viagra dans les toilettes. Au péril de ma vie. Avec une dose pareille j'aurais pu choper un arrêt cardiaque et tomber raide mort entre ses bras. Beurk, elle en aurait fait une tête, ma fiancée d'un soir, si elle s'était retrouvée baisée par un cadavre. Mais, bon, je suis un gentleman, je vais pas lui raconter ça. Et puis le Viagra, meme si elle veut me buter, elle n'a pas besoin de savoir.

- Vous voulez mon argent? C'est ça? Mais c'est un parti pris, de l'acharnement, du harcèlement! Mon ex femme aussi, elle en veut à mon argent. Vous allez rire mais j'ai pas d'argent. Vous savez, avec mon ex femme qui a obtenu une pension alimentaire exorbitante à cause de ma soi-disant cruauté mentale, si j'avais de l'argent quelque part en France elle l'aurait fait saisir. Alors je me suis organisé. Je suis insolvable, rigoureusement insolvable (ça n'a pas l'air de la faire rire). Comment, vous le saviez? Comment, c'est mon ex qui vous envoie? Comment, vous avez eu pitié pour elle quand vous avez vu que je portais des affreuses chaussettes de couleur verte? Comment, c'était moins mou que ce qu'elle vous avait dit mais encore plus ennuyeux? Mais, mademoiselle, enfin, c'est pas poss....

Et ce jour-là le soleil s'est levé comme d'habitude.

mardi 3 juillet 2007

Isolement

Une lumière derrière la porte. Ça fait combien de jours, combien de mois, combien d’années que j’attends qu’une chose aussi simple que celle-là arrive : une lumière derrière la porte ? Mes habits sont en lambeaux, ma barbe a poussé. Non, je n’ai pas rêvé tout ce temps passé. Je ne suis pas dans un cauchemar. C’est bien la réalité. Je ne sens plus ma crasse. Elle doit être effroyable. Mais eux, eux qui me tiennent ainsi enfermé dans le noir total, ça ne doit pas les gêner. Je n’ai jamais pu savoir d’où ils viennent, ni à quel moment, ceux qui m’apportent ma nourriture. Ils doivent profiter de mon sommeil …. J’aurais dû compter depuis le début le nombre des repas. . . . . . . . Il y a trop de choses qui manquent à mon histoire . . . . . . . . . . . . . . . . Je deviens fou. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . une lumière derrière mon sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . j’aurais dû compter le nombre de portes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ça fait combien de crasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . repas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . fou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .










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dimanche 1 juillet 2007

Joindre l'utile à l'agréable
Un blog, c'est surtout utile si l'on veut s'amuser, alors, je fais pareil. La charmante Joye (http://iowagirl.hautetfort.com/archive/2007/06/21/joindre-l-utile-a-l-agreable.html) m'a tagué et moi aussi, j'veux jouer, alors :

Le règlement :
Chaque personne décrit 7 choses sur elle même, celles qui ont été taggées doivent écrire sur leur blog 7 choses qui les décrivent ainsi que le règlement. Elles doivent ensuite tagger 7 personnes, les énumérer sur leur blog puis puis leur laisser un message les invitant à venir lire ce règlement.


Alors voici les sept choses:

1) J'aime écrire de la poésie. Mon premier recueil abouti s'appelle Pensées Interstitielles. Il devrait être édité à la rentrée. Ma poésie est faite de concision. Les mots sont des éveilleurs ou des passeurs de sentiments.
2)Comme ce blog le montre j'écris beaucoup de nouvelles. L'écriture me permet d'explorer ce fascinant mystère qu'est la question de l'être humain. C'est quoi être un homme ou une femme? D'abord l'un vis à vis de l'autre et ensuite face à l'univers. Un vaste programme.
3) Je suis d'une grande curiosité intellectuelle qui m'a poussé à entreprendre des études parfaitement inutiles, comme ça, pour le plaisir. J'ai ainsi fait ces dernières années des étude de droit en plus de mon métier, au demeurant fort prenant. Précédemment j'ai fait une maîtrise de théologie dans les mêmes conditions.
4)On m'accorde généralement de l'humour et je préfère l'appliquer à moi-même qu'aux autres.
5) J'aime lire des choses que je ne suis pas sûr de comprendre, comme la poésie en anglais, la Phénoménologie de l'Esprit.
6) Je suis engagé dans la société principalement dans la lutte contre la misère avec AD Quart-Monde.
7) Je trouve le bonheur avec une femme qui enchante ma vie.
Taguées: Clise (http://clise.canalblog.com),Pierre d'Ecriture (http://ecrit.canalblog.com), Gino GORDON (http://ginogordon.overblog.com), Renart l'éveillé (http://renartleveille.blogspot.com/),Kris (http://krisdeblog.hautetfort.com/),bugs (http://bugs.blogue.ca/),brigetoun (http://brigetoun.blogspot.com/)

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Le beurre

L'homme qui est en face de moi est aussi grisâtre que moi. Seulement pour lui ce n'est pas un choix. Il n'a pas, comme moi, le souci de ne pas éveiller de désir chez tous ces hommes que je reçois, presque autant que de femmes, pour écouter leurs tristes vies. Ils ne peuvent pas, ils ne doivent pas deviner que sous ma tenue stricte, sous l'espèce d'uniforme professionnel de bonne soeur que je me suis inventé, se cachent des sous-vêtements torrides que je me commande sur internet. Des sous-vêtements qu'aucun homme ne m'a encore vu porter, car aucun homme ne m'a jamais demandé de me déshabiller. Mais c'est une autre histoire.

L'homme en face de moi a la bonne quarantaine. Il a le regard éteint, le cheveu triste. Les vêtements, un costume de prêt à porter, sentent la gène. Visiblement il a connu des jours meilleurs. Il a été marié. Il a eu un travail, un toit. Un jour sa femme l'a mis à la porte et tout s'est déréglé. Assez vite il a plongé. Il raconte son histoire simplement, d'une manière un peu mécanique. Il ne s'indigne même pas.

Ça faisait vingt cinq ans qu'ils étaient mariés. L'usure. Couple sans histoire. Il avait fallu partager des choix, accepter des renoncements. Le beurre par exemple.

Depuis son enfance pour faire ses tartines il avait toujours raclé la raclette de beurre par en-dessus. Ce geste était une tradition familiale qui faisait que rapidement la plaquette de beurre était plus creusée en son milieu. Vers la fin elle était même séparée en deux par le creusement du couteau. Ça dégouttait sa femme qui, depuis son enfance, avait appris à couper de fines mamelles sur la tranche de la plaquette. Ainsi évitait-on le creusement abominable. Lui trouvait cette manière de faire trop brutale à cause du claquement du couteau sur le beurrier quand le beurre dur sortait du réfrigérateur et que la lamelle se détachait d'un coup. Mais il s'était rangé aux exigences de sa femme. Il fallait, n'est-ce pas, faire des concessions.

Je l'approuve tout en mâchonnant le capuchon de mon stylo. Cette histoire de beurre n'a vraiment aucun intérêt. Je n'en suis pas surprise, en général la vie des gens tombés dans la misère a si peu d'intérêt. Je suis payée pour le savoir.

C'était à cause du beurre justement que sa femme l'avait mis dehors, m'explique-t-il. Un dimanche matin, en beurrant sa tartine, il se dit que le claquement du couteau sur le beurrier risquait de réveiller leur fille unique qui était rentrée tard d'une soirée et dormait de l'autre côté de la mince cloison. La plaquette était encore presque entière. Il s'était donc risqué à racler le haut pour ne pas faire de bruit. Le creusement était imperceptible. On distinguait à peine les striures des dents du couteau. Mais dès que sa femme les vit elle rentra dans une rage d'autant plus folle qu'elle resta contenue pour ne pas réveiller sa fille.

C'est honteux de mêler ta fille à cette histoire. Comme si elle y était pour quelque chose, la pauvre, si tu as décidé de rompre nos accords, de revenir à tes mauvaises habitudes familiales.

Elle se montra intraitable. L'appartement, héritage de ses parents, lui appartenait. Elle le mit dehors.

Il a fini de parler et me regarde. Il se demande probablement ce que je pense de son incroyable histoire. J'en ai entendu tellement de toutes sortes depuis vingt ans que je fais ce métier d'écouter que je n'en pense rien. Tiens, son regard s'est éclairé. Il doit s'imaginer que je vais le comprendre.

Il a de beaux yeux. En fait il est bel homme. Il suffira de peu de chose. Un changement de vêtements, une teinture des cheveux. Celui-là, je ne peux pas le louper.

Monsieur, vous savez, moi, la manière de couper le beurre, ça m'est bien égal ...

Qu'a-t-il comme ça, à se lever précipitamment.

-Eh, monsieur, ne partez pas, ne partez pas ...


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