jeudi 30 août 2012

La correction


La correction



  • Tu rentres tard ce soir, chéri ?
  • Peut-être. Je joue au tennis avec ce gros con prétentieux de Pierre N.1. Tu sais le nouveau collègue dont je t’ai parlé au dîner hier soir. Celui qui n’arrête pas de dire « moi, je … moi, je ». J’ai bien l’intention de le mettre minable au tennis ce gros vantard. Une correction, une bonne fessée à son amour propre, c’est ça qu’il va avoir le monsieur « je fais tout mieux que tout le monde ».
  • Mais fais attention de ne pas t’énerver mon chéri, tu risques de perdre tes moyens.
  • Tu as raison, ma chérie. Je vais me concentrer comme une bête et je vais le laminer. Il ne s'en remettra pas. Je t’adore et je file, je vais finir par me mettre en retard.
Le temps est magnifique , une de ces journées de printemps où la nature semble exulter de toutes les forces de vie qui bouillonnent en elle. L'air est léger et pas un souffle de vent ne perturbe le jeu. Ils sont face à face, terriblement concentrés. Cela fait trois quarts d'heure qu'ils jouent et se battent sur chaque balle. S'il y avait un spectateur à cet affrontement féroce il se demanderait la raison d'une telle hargne. Mais eux ne se posent pas la question. Ils sont entrés insensiblement dans cet état d'esprit où leur vie se résume à ce qui se passe entre les grillages rouillés d'un terrain de tennis de banlieue. Ils jouent le dernier set, celui qui doit les départager.

Mais voilà que la victoire a choisi son camp. L'un des joueurs perd pied. Il rate service sur service. Il a beau se battre sur toutes les balles de son adversaire cela lui est fatal. Il a perdu le match.

Pierre N.2 s'approche du filet en trottinant. Il arbore un large sourire de satisfaction et dit à son adversaire en lui serrant la main :

- Tu joues tellement mal que tu m'as complètement déréglé mon service.

1 Pour préserver l’anonymat des protagonistes de ce drame les noms ont été changé.

2 Idem note supra.

vendredi 24 août 2012

Ligne une VII

Sur le passage clouté à la sortie de sa station de métro il est pris à parti bruyamment par une femme qu’il n’avait pas remarquée :
-          Alors toi, tu n’as pas la liberté de …
Quelques mètres devant lui un homme a ralenti le pas pour tendre l’oreille.
La fin de la phrase se perd dans le bruit de fond. Il voit que la femme qui le croise ne s’adressait pas à lui mais parle avec des oreillettes blanches dans les oreilles.
Il rejoint sur le trottoir d’en face l’homme qui a fini de traverser la rue et lui dit :
-          Elle parlait à son téléphone, pas à moi.
Le visage de l’homme qui le regarde s’illumine d’un sourire.

lundi 20 août 2012

Saint Tropez




-          Qu’est-ce que tu lui trouves à cette fille que tu la regardes comme ça ?
-          Mais rien. Qu’est-ce que tu racontes ? De quelle fille parles-tu ? Des filles, il y en a plein la plage.
-          Et monsieur joue les faux-jetons en plus.
-          Franchement je ne vois pas …
-          « Franchement ». Tu vois mon bonhomme tu t’es trahi. Maman m’a toujours dit que quand un homme disait « franchement » c’était le signe qu’il était en train de te fourguer un gros bobard.
-          Tu devrais laisser ta chère maman …
-          Tu t’attaques à maman maintenant ! Je t’interdis, tu entends, je t’interdis de toucher à ma mère.
-          Mais non, tu sais bien que j’adore ta maman. C’est pour ça que je l’appelle ta « chère maman »
-         
-          Et puis ma chérie, tu sais bien que pour moi tu es la plus belle.
-          Et pour les autres alors ? Tu crois qu’ils me trouvent moche ? C’est ça que tu dis ?
-          Mais non, voyons Amandine. Je suis sûr qu’il y a des tas de mecs qui te matent en douce derrière leurs lunettes de soleil.
-          Tu crois ?
-          J’en suis sûr.
-          Ah vraiment, les hommes sont dégueulasses.
-          Il y a pas de mal à mater une jolie fille tu sais.
-          Ah, tu vois, tu reconnais.
-          Je reconnais quoi ?
-          Tu reconnais que tu la mates comme un salaud cette fille sublime là-bas.
-          Quelle fille ? Où ça ?
-          C’est ça, prends moi pour une conne. La fille avec le monokini rouge sous le parasol bleu, là devant ton nez, gros malin.
-          C’est vrai que maintenant que tu me la fais remarquer elle est assez canon.
-         
-          Amandine, ne t’en va pas. A…
-         
-          Oh puis zut, fais ce que tu veux, je m’en fiche …  Mais pourquoi elle va parler à la fille superbe que j’étais censé mater ?
Amandine m’a dit que cette fille était non seulement superbe mais en plus très intelligente. La preuve : elle ne voulait pas avoir affaire à un gros vicieux comme moi.
 C’est pour elle qu’Amandine m’a quitté.