samedi 24 novembre 2007

Blason

On appelle blason une description d'une partie du corps


Il n'y va pas sans une forme d'embarras à tenter d'évoquer une certaine paire de fesses. Comment rendre compte en effet de l'élévation allègre de la chair après la courbe inverse des reins sans sombrer dans l'ennuyeux? Comment faire ressentir les dunes jumelles recouvertes parfois, comme d'une croûte délicate d'arabesques de sable fin, d'une légère chair de poule sans lasser? Comment dire la caresse de l'oeil et le désir de la main sur ces courbes chaudes et pleines sans choquer? Surtout comment montrer la personnalité unique de ces deux jumelles rebondies sans rebuter?

Rien que l'admirable raie culière, cette coupure de symétrie, si singulière par sa netteté et son mystère, comment en parler? Fonctionnellement elle ne sert à rien et aucun autre animal que nous n'en est doté. Cependant il m'est avis que quand le bon dieu en a eu l'idée il connaissait déjà bien son bonhomme d'Adam. N'est-elle pas l'incitation à aller voir de l'autre côté, à exercer sa curiosité sur les organes de l'autre sexe, à s'unir face à face et donc à pouvoir, après l'accouplement, se parler. Et, pour ce faire, inventer le langage. Langage, et par suite écriture, nés de la rencontre bord à bord, formant raie, de ces deux somptueuses hémisphères de chair, voilà une théorie qui a l'heur de me plaire!

Mais je sens bien que je cours ainsi double risque vis-à-vis de l'heureuse propriétaire et principale utilisatrice de cette certaine paire dont je parle présentement. Le premier est qu'elle pourrait me prêter un intérêt excessif pour ce morceau d'anatomie profondément civilisateur en général plutôt que se rapportant au particulier de ses splendides rondeurs; la généralité ayant en l'occurrence la fâcheuse tendance à s'exprimer, comme le savent les philosophes, dans toute une série d'incarnations particulières qui peuplent les trottoirs de nos villes et les couloirs de nos bureaux. Il est vrai qu'il peut m'arriver de regarder, de comparer, de supputer et je dois admettre que ces travaux ne sont pas exclusivement à but scientifique mais je peux plaider en toute bonne foi et vérité qu'ils ne font que raviver encore la splendeur à mes yeux des deux coupoles neigeuses où mes lèvres aiment à se rafraîchir.

Le deuxième risque est plus sérieux encore. N'ai-je pas une fâcheuse tendance à réduire le tout de celle que je prétends aimer à une partie seulement de son anatomie? Mes fesses, pourrait-elle me reprocher, savent certes, à ma commande et pour le plaisir de tes mains, se relâcher ou se durcir mais elles ne participent pas de ces organes érectiles ou de ces muqueuses délicates qui me sont infiniment plus intimes en ce qu'elles accompagnent ou traduisent mon désir ou mon plaisir. Encore moins, pourrait-elle rajouter, sont-elles représentatives de mon être social, comme mes cheveux, ou de mon esprit et de mon âme, comme mon visage, ma bouche ou mes yeux. Je serais en somme obnubilé par un morceau de chair presque inerte, presque sans rapport avec sa personnalité. Comme si le reste, ces tissus expressifs de son désir et de son plaisir, ne m'intéressaient pas! Sans compter ses cheveux, sa bouche et ses yeux. Et son âme surtout, que j'allais oublier.

Non, décidément je ne me sens pas de taille à blasonner sur ce sujet. Je vais plutôt prendre comme thème le bouc de mon professeur de dessin de sixième.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Magnifique !