dimanche 4 novembre 2007

Tante Bette

Tante Bette prit une profonde inspiration. Il lui en fallait du courage pour entrer dans l’épicerie-bazar du village tenue par un compagnon de chasse de ses frères et où tout le monde la connaissait. Elle, la fille cadette un peu zinzin de cette famille bourgeoise imprégnée des idées antisémites de Maurras. Elle qui était partie au grand dam de sa famille, deux ans après la fin de la guerre de quatorze, vivre quelques mois avec une sorte de saltimbanque. Elle qui, toute honte bue, était revenue, plus maigre qu’un balai, n’en pouvant plus de la misère et des coups et menait désormais une vie de quasi-recluse.

Son frère aîné, le notaire, grand chasseur devant l’Eternel, avait révélé un soir de banquet de la Saint Hubert qu’elle n’avait jamais eu ses règles. Tous les hommes présents avaient ri grassement. Pas étonnant qu’elle soit un peu dérangée, la Bette. Un jour qu’il était en colère contre elle son plus jeune frère lui avait raconté cette histoire. Il avait rajouté qu’elle était la risée du village et la honte de sa famille.

Alors oui, il en fallait du courage à la tante Bette pour entrer dans l’épicerie et aller reprocher au patron d’avoir refusé de vendre un bobineau de fil à la couturière polonaise qui ravaudait ses robes. Ici on ne sert pas les youpins !

Tante Bette qui êtes morte bien avant ma naissance je vous aime !

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