vendredi 17 avril 2009

Feu d'artifices

Le conseil d’administration était là au grand complet. Pas un oncle, pas un cousin ne manquait. Mêmes les moins impliqués avaient fait le déplacement. L’heure était grave pour la société de mécanique familiale. On ne parlait pas encore de crise, bien au contraire, l’économie mondiale était en plein boum. Les produits fabriqués par la société, des pièces de forme pou les moteurs d’avions long courrier étaient de haute technicité et se vendaient auprès de tous les constructeurs avec de bonnes marges. Les secrets de fabrication résidaient dans des machines à commande numérique ultra sophistiquées que la société mettait au point elle-même.

Ce qui mobilisait tout ce beau monde ce n’étaient donc pas des décisions difficiles à prendre mais un changement de génération. Le président, l’oncle ou le cousin Gaston, selon les gens, avait décidé de prendre sa retraite et son gendre devait lui succéder. Il travaillait depuis deux ans dans la société et il avait concocté dans le plus grand secret un plan stratégique qu’il devait ce jour-là révéler aux administrateurs. Soit le plan était validé et il était nommé PDG soit, la société devait se chercher un nouveau projet et un nouveau président. En attendant l’équipe actuelle, Gaston et son gendre, expédieraient les affaires courantes, comme on dit en ce cas.

Il faut reconnaître que le plan stratégique avait fier allure : arrivée d’un partenaire chinois qui apporterait des capitaux pour doper la croissance, élargissement de la gamme de moteurs couverts, croissance du bénéfice pour arriver au taux fatidique de quinze pour cent. Les employés eux-mêmes n’avaient pas été oubliés : plan de qualification pour les salariés en place, embauche de jeunes, distribution d’actions gratuites.

Au début les administrateurs, surtout ceux qui étaient les plus éloignés du président et de son gendre, ont été un peu méfiants. Alors, sans être pour autant très compétents car ils avaient tous plus ou moins leur métier en-dehors de l’entreprise, ils ont joué leur rôle, ils ont posé des questions. Mais ce qui était impressionnant c’était que chaque question avait sa réponse sous forme d’une diapositive de courbes et d’argumentaires tout prêts qui donnait tous les éléments de réponse. Bien vite ça devint une forme de jeu. C’est à qui poserait la question la plus inattendue : « Et si le rouble était dévalué ?… » et tout de suite un graphique était projeté qui permettait au gendre de répondre.

Les administrateurs ravis se regardaient en hochant la tête. Le président était aux anges. Comme le dit le plus âgé des membres du conseil : cette présentation est un véritable feu d’artifice. Heureusement pour lui que personne n’entendit monsieur Durandin, le comptable, murmurer dans sa barbe : un feu d’artifices, oui, au pluriel.

Dans l’enthousiasme général le plan stratégique fut approuvé et le nouveau PDG nommé.

Six mois plus tard, comme vous l’aviez deviné, la société était déclarée en faillite et ses machines à commandes numériques démontées pour aller en Chine chez l’ex-associé.

2 commentaires:

Oncle Dan a dit…

Même l'oncle Dan était venu.
Pour voir...
(il n'avait pas été déçu)

Arthur H. a dit…

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