mardi 1 novembre 2011

Ligne une IV

Pouvoir contempler sans gêne mutuelle ni rien d’équivoque le visage d’une femme inconnue est tellement rare. Il en restait fasciné. Elle et lui assis sur des strapontins de part et d’autre de la porte du wagon. Des yeux calmement fermés de la femme, de ses paupières à peine bombées semblait naître le visage large, la peau vivante dont lumière froide de la rame ne parvenait pas à éteindre l’éclat généreux. Il lui sembla que cette peau devait avoir une odeur de pain d’épice, à moins que ce fût celle de la somptueuse chevelure aux reflets acajou qui se déployait en nappes autour du visage. Chevelure ondée, luxuriante et solaire.

La femme avait toutes les apparences d’un profond sommeil. Il se délectait de la regarder tout son saoul au lieu de l’habituel coup d’œil à la dérobée, aliment de l’hypocrite rêverie solitaire. Que la trajectoire de sa féminité semblât avoir un peu dépassé l’âge du sommet de sa beauté et fût condamnée à un long mais fatal déclin ajoutait encore à son attrait. Peut-être était-ce cet involontaire aveu de fragilité qui plus que tout avait le don de l’émouvoir.

Le nez de la femme frémit imperceptiblement. Tandis qu’elle ouvrit les yeux il ferma les siens, espérant qu’à son tour elle le regardât longuement.

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