vendredi 15 juin 2007

De l'eau a coulé sous les ponts...

De l'eau a coulé sous les ponts depuis que je t'ai demandée pour la première fois en mariage. Tu avais vingt deux ans et tu resplendissais de l'éclat de la jeunesse. Tes yeux myosotis étaient embués et tu m'as dit que tu ne pouvais pas parce que ta mère était malade et que tu devais t'occuper d'elle. Il n'y avait rien à opposer à ta douceur tranquille.

J'ai quitté le pays. J'ai beaucoup bourlingué, connu beaucoup de femmes, gagné beaucoup d'argent. Je me suis même marié, trois fois. Mais toujours, au moment de dire oui, j'avais tes yeux myosotis au fond du cœur comme une question plutôt qu'un reproche. Ces yeux myosotis là ne savent pas faire de reproches.

Je suis revenu au pays quand tu avais quarante ans. Tu t'occupais des jeunes enfants de ton frère veuf. En te voyant, maternelle, j'ai eu un pincement au cœur. Avec aucune femme je n'avais voulu avoir d'enfants. Tu m'as accueilli comme je n'avais jamais été accueilli. Tu avais gardé tes yeux myosotis, ton corps de femme s'était affermi. Son éclat était presque intact. Il y avait cependant quelque chose de voilé, quelque chose que j'ai désiré illuminer. Tu n'as pas été choquée de ma vie de baroudeur. Tu m'as parlé de la tienne, simple comme le pain. Tu m'as dit pudiquement ton regret de ne pas avoir connu d'homme, l'éclat voilé de ton corps. Mais tu n'as pas voulu me confier les clés de ton corps; pas comme ça, m'as-tu dit. Tu n'as pas voulu partir avec moi à cause de tes neveux et je n'ai pas voulu abandonner mes affaires, ma vie d'aventure.

Les yeux myosotis, je les ai revus il y a quelques jours lorsque tu fait appeler du bout du monde. Ils avaient absorbé le visage ravagé par la maladie et le corps enseveli sous les draps de l'hôpital. Nos yeux se sont enfin dit oui. Le baroudeur au cœur marqué de cicatrices s'est enfin arrêté dans la rade myosotis.

Maintenant je suis noyé dans mes larmes en écoutant à l'église tes petits neveux et des gamins du village dire ce que tu as été pour eux; ton écoute, ton indulgence pour leurs frasques, ta douceur. Je sais que tu as été tout ça en ne cessant de m'attendre.


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5 commentaires:

Anonyme a dit…

Que c'est dur!

Anonyme a dit…

En même temps au final il y a la tendresse

Anonyme a dit…

comme c'est beau...la vie..les ratés ou le destin, il fzut se faire une raison et ce dire que c'est comme ça, c'est la vie. Ton écriture est très tendre, j'aime beaucoup, je viendrai le relire de temps à autre . Très beau!

Arthur H. a dit…

Merci pour vos commentaires. Heureux que ça vous ait plu.

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.