mardi 17 avril 2007

Facteurs nocturnes

Madame de Genlis sortit bouleversée de son entretien avec le comte, son époux, et le docteur Pichard. Elle avait jusque récemment mis la langueur dont était frappée depuis plus de trois mois leur fille unique Aline, âgée de dix sept ans, sur le compte du départ de son cousin Basile pour les confins du Sahara. Le jeune homme, fringant sous-lieutenant de hussards, dont monsieur de Genlis était le parrain, était venu passer le mois d’août 1895 en permission dans leur propriété de Touraine avant son départ pour l’Afrique. C’était la première fois que le jeune homme venait les voir et il fit à cette occasion la connaissance de sa cousine Aline. Madame de Genlis, avec son sûr instinct de mère, s’était opposée d’emblée à cette visite susceptible de troubler la quiétude de l’innocente Aline. Naturellement le vicomte, à qui elle s’était ouverte de ses craintes, les avait balayées d’un revers de main. Etant donné les circonstances, il ne précisa pas lesquelles à son épouse, il ne pouvait pas sans inconvenance refuser cette visite de son neveu et filleul.

La comtesse eut beau faire, elle ne put empêcher que ne s’établisse une sorte de joyeuse connivence entre les deux jeunes gens. Basile était aussi séduisant, et aussi désargenté, que l’avait été son père au même age. Non, décidément il n’était pas un parti pour Aline. Sa mère fit si bien, restant constamment auprès de sa fille, faisant dormir sa camériste avec elle, qu’elle était certaine qu’il n’y avait eu entre les cousins aucune possibilité même d’une conversation un peu personnelle. Mais voilà, malgré ses mises en garde, elle n’avait pas pu empêcher que sa fille ne s’amourache.

C’était le comte, inquiet de voir que depuis trois mois leur Aline avait les yeux cernés par manque de sommeil et ne cessait de dépérir, qui avait fini par appeler en consultation son ami, le docteur Pichard. Et c’est lui qui, après avoir examiné Aline en présence de sa mère, venait de lui dire, en présence du comte, que sa fille était en proie à des facteurs nocturnes. A ces mots, dont elle avait immédiatement compris le sens codé, la comtesse avait rougi vivement. Lui-même, en tant qu’homme de science, ne partageait pas la croyance selon laquelle de telles pratiques menaient directement en enfer, d’ailleurs il n’y avait pas d’enfer ni de vie après la mort, mais en tant que médecin il savait de science certaines que ces pratiques conduisaient à brève échéance, après les langueurs dont souffrait déjà Aline, à une démence irrémédiable.

Il appartenait maintenant à la pauvre comtesse horrifiée d’aller essayer d’arracher sa fille à ses funestes habitudes.

- Aline, avez-vous parlé avec monsieur le curé de certaines choses que vous faîtes la nuit ?
- Mais maman, de quoi parlez-vous ?
- …
- Comment pouvez-vous imaginer ?
- …
- Oh, mon Dieu, c’est ce médecin qui vous a dit ces horreurs ?

Quelques mois plus tard on dut effectivement interner en grand secret la belle Aline.



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1 commentaire:

Anonyme a dit…

me voilà à mon tour dans le rôle de la petite souris curieuse. J'ai beaucoup aimé Montréal. Je n'ai pas encore tout lu, mais je vais m'y plongé peu à peu. je lis tellement de choses en même temps! Les blogs, les livres, les impromptus et leur blog. Bref, mais j'ai un petit coup de coeur pour ton écriture, c'est très fluide. Une vrai ambiance. A bientôt sur nos pages.
lulu