mercredi 25 avril 2007

Le fantôme de la bibliothèque

Très Saint Père,

Croyez bien qu’il en faut de pressantes raisons pour qu’un matérialiste comme moi s’adresse au pape. Certes nous sommes tous les deux des intellectuels. Vous avez été Professeur d’université et je suis ancien élève de la prestigieuse Ecole des chartes d’où était issu Georges Bataille, un temps catholique mais qui a rapidement abandonné le chemin de la mystique religieuse pour celui de la mystique érotique. Sans avoir, hélas, le talent de mon illustre collègue je me sens plus proche de la vision du monde qu’il a développé après son épisode chrétien que de celle qui émane de vos écrits, dont je me plais à saluer, cher ancien confrère, car j’enseigne la numismatique babylonienne à la Sorbonne, la qualité intellectuelle, à défaut d’en partager les présupposés philosophiques.

J’ai l’honneur, outre mon enseignement à la Sorbonne, d’assurer la direction de la prestigieuse bibliothèque de l’Arsenal qui, vous le savez certainement, a été fondée par Colbert et à laquelle le futur empereur Napoléon Ier, impressionné par les talents de mon illustre devancier, le Professeur Lesur, s’est particulièrement intéressée. A l’occasion du sacre de l’empereur cet homme, estimable entre tous, a rencontré votre lointain prédécesseur le pape Pie VII. Par des moyens et pour des raisons que je n’ai pas complètement réussis à élucider le Professeur Lesur a obtenu, d’après ce qu’il m’a lui-même expliqué en fonction du pouvoir des clés traditionnellement attaché au trône pontifical, obtenu donc de ne pas mourir et depuis 1804 il erre dans les couloirs de la bibliothèque. Une telle histoire était, vous vous en doutez bien, absolument incroyable pour moi qui suis, bien que de formation littéraire, féru de sciences exactes. J’espère que vous-même ne me prendrez pas pour un fou car, ayant compulsé tous les livres les plus savants et même les manuscrits secrets de la Bibliothèque vaticane, je n’ai jamais lu que le pouvoir des clés permette à quelqu’un d’éviter la mort.

Toujours est-il, cher Benoît XVI, maintenant nous nous connaissons suffisamment pour que nous nous appelions par nos prénoms, le mien est Léon, que le Professeur Lesur me réveille toutes les nuits pour se plaindre du fait qu’il veut mourir car il en a assez de sa vie de fantôme. Il insiste pour que je vous écrive car vous êtes le seul à pouvoir lui ouvrir les portes du Paradis ou de l’Enfer que votre prédécesseur lui avaient, à sa demande et donc mon intention n’est nullement de le critiquer, fermées. Je ne crois évidemment ni à l’un ni à l’autre lieu mais je ne supporte plus les réveils incessants qui me sont infligés. Aussi je vous demande, au nom de notre passé commun de professeurs d’université, de bien vouloir autoriser mon collègue à mourir de sa bonne mort de fantôme.

Il va de soi que cette affaire une fois réglée restera entre nous.

Veuillez croire, cher Benoît XVI, à l’expression de mes sentiments …

Signé : illisible



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