mardi 25 septembre 2007

Le crime aurait pu être parfait

Je lui ai dit de se taire. Mais rien n'y fait. Certes elle ne m'assène plus ses jérémiades, ses récriminations sur ma lâcheté d'avoir plaqué sa petite fille. Tu parles. C'est elle qui s'est barrée, il y a dix ans, en me laissant sa grand-mère, la vieille taupe. La garce savait que j'avais besoin de ce tas d'or à moitié gâteux pour vivre, que j'étais coincé à jouer les garde-malades.

Elle n'aurait pas dû me dire, la vieille, qu'elle allait modifier son testament, qu'elle ne me laisserait rien. Ce que je ne lui pardonnerai jamais, c'est surtout de m'avoir transformé en assassin. Je n'aurais jamais pu imaginer ça quand j'étais gosse et que je me passionnais pour le sauvetage d'une vieille jument (*). Piler dans son café les produits des bocaux en verre de son mari, pharmacien colonial, ça n'avait pas été très difficile. Elle avait bu sans sourciller, la vieille bourrique. On aurait pu croire à un suicide de gâteuse. Mais les produits devaient être éventés. Elle a crié de douleur pendant plus de trois heures. Ce vacarme! C'était insupportable. Dans ces conditions c'est sûr que l'autopsie révélera que je suis resté à la laisser crever sans rien faire.

Maintenant elle ne gémit même plus mais elle fixe dans ma direction ses yeux vitreux et de grosses bulles d'écume verdâtre sortent de sa bouche et font « blop, blop ». C'est exaspérant.

- Mais tais-toi, je te dis!

Je vais l'achever à coups de bêche. Tant pis pour le crime parfait. Je sais où elle cache ses bijoux. Toutes ces années à m'occuper d'elle! Je l'ai bien mérité. Je partirai en emmenant son magot. En Amérique du Sud.

(*) cf "L'expédition" infra

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