mercredi 14 mars 2007

Les yeux verts

Deux yeux verts me regardaient. Ils étaient entrés en moi par effraction. Je n'avais rien vu venir et leur regard ne me lâchait plus. Pourtant je n'étais pas folle. Le premier moment de saisissement passé, je les avais tout de suite reconnus. Il faut dire que je les avais regardés des milliers de fois. Je les regardais même plusieurs fois par jour. Le matin, le soir, quand je passais devant un miroir ou la surface réfléchissante d'une vitrine. Bref, en toute occasion. Ces yeux, bien sûr que je les connaissais, puisque c'étaient les miens.

Mais là, savoir pourquoi, c'est eux qui m'avaient surpris, dans cette pièce en stuc d'un palais du Rajasthan, Inde du Nord, Guide du routard. Cette partie du palais n'était pas, pour mon goût d’occidentale, la plus belle. Les centaines de petits miroirs irréguliers enchâssés dans le stuc, des murs au plafond, et des murs et un plafond aux formes très irrégulières, comme modelées par la main d'un géant ; tout cela faisait un peu kitsch. Mais c'était la plus ancienne, tout début du XVII° siècle. Les miroirs avaient coûté une fortune à l'époque mais ils ne réfléchissaient guère. D'où ma surprise devant ce regard qui tout à coup me transperçait.

Il me sembla, sentiment étrange, que c'était celui de l'enfant que j'avais été, regard candide et impitoyable qui jugeait celle que j'étais devenue. Je m'étais si souvent regardée depuis. Pour surveiller, anxieuse, l'invasion des rougeurs et boutons à l'adolescence, pour me rassurer sur le pouvoir ravageur de ces yeux à l'âge des conquêtes amoureuses. Mais toujours j'avais douté de moi-même. Heureusement peut-être. Même lorsque mon corps par deux fois s'était alourdi pour donner la vie. Mes yeux avaient alors acquis les feux de l'inquiétude et de la fierté. Et puis, un jour, ces yeux s'étaient noyé de chagrin, ils étaient presque morts, ils s'étaient haïs lorsque le compagnon de ma vie était parti sans me dire un mot.

La petite fille qui à cet instant plonge en mon âme au milieu du brouhaha des touristes, que me dit-elle?

Elle me dit que je l'aime dans ce qu'elle est devenue. Elle me dit que je n'ai pas de raisons d'avoir peur de ce nouveau compagnon avec qui je suis parti en voyage, de ce miraculeux printemps dans mon automne. Parce que la flamme de mes yeux d'enfant a perduré tout au long de mon chemin. Les blessures, la trahison et la rupture, ne l'ont pas atteinte. Je puis encore donner l'amour sans me perdre.


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