samedi 19 mai 2007

L’ami Roger

Avant de connaître Roger je n’avais jamais eu d’ami et après avoir connu Roger il n’est plus possible d’avoir d’autres amis.

Roger, en plus d’être mon meilleur ami, mon seul ami, est aussi mon patron. Pour être tout à fait précis je devrais dire : était mon patron. Quand je l’ai appelé hier après-midi de l’aéroport, de retour d’un voyage de trois semaines en Afrique pour trouver de nouveaux clients, c’est lui qui m’a rassuré sur ma crise de paludisme, il paraît qu’on n’en meurt pas, même si on n’en guérit jamais vraiment. C’est lui encore qui m’a consolé de l’échec de ma mission. Quand je vous dis que Roger c’est un ami. Il m’a expliqué que pour le remboursement des billets d’avion et des autres frais de voyage il faudrait que je m’adresse au nouveau patron parce que, pendant que j’étais parti, Roger a vendu la boite. C’est pour ça que je vous ai dit tout à l’heure que Roger était mon patron. Il l’était parce qu’il ne l’est plus. Vous comprenez ?

Et puis Roger a rajouté que peut-être que le nouveau patron aurait envie de moi, un type qui partait trois semaines en Afrique sans rien réclamer. J’ai tout de suite pigé ce qu’il voulait me dire, Roger. Quand je vous dis que des amis comme ça on n’en fait plus ! C’est sûr que si je me pointe maintenant pour réclamer quoi que ce soit, le patron, il va pas me garder. « Pas me reprendre » a rectifié Roger (Roger c’est pas seulement mon ami, c’est aussi quelqu’un de très précis) parce que pour faciliter la vente de la boite il avait dû me licencier. Il est malin, Roger ! Il a fait une lettre de licenciement datée d’il y a trois mois et il a imité ma signature pour le récépissé. Mais il m’a dit que pour les salaires qu’il m’avait versés depuis je ne lui devais rien. Entre amis, n’est-ce pas ?

J’ai de nouveau appelé Roger quand je suis arrivé à la maison et que j’ai vu qu’il n’y avait plus ma femme, plus mon fils, plus les meubles. Il s’est comporté comme un vrai ami, Roger. Au début, il n’a rien dit, puis il a commencé à rire d’un rire généreux qui m’a réchauffé le cœur. S’il riait comme ça, c’est que ça ne devait pas être trop grave. Il faut dire que Maryvonne, c’est ma femme, et Pierre, c’est mon fils, il les aime, Roger. Maryvonne, il faut voir comme il la fait plier de rire quand il m’appelle « couille molle ». C’est Maryvonne elle-même qui a voulu qu’il soit le parrain de mon fils. Souvent les hommes se plaignent que leurs femmes ne veulent pas voir les amis de leur mari à la maison. Chez moi c’est tout le contraire. J’ai de la chance. Ou plutôt j’avais de la chance, puisque maintenant Maryvonne est partie. Elle a toujours aimé que mon meilleur ami, mon seul ami, vienne à la maison.

Et en plus il s’occupait super bien de son filleul. Tu trouves pas qu’il se ressemblent tous les deux ? me disait souvent Maryvonne. C’est vrai que quand elle me le disait je trouvais qu’ils se ressemblaient vraiment.

Pour en revenir à mon histoire, Roger, il riait tellement au téléphone quand je l’ai appelé de mon appartement vide que j’ai fini par rire à mon tour. On a piqué tous les deux un de ces fou-rires ! Ce que c’est que l’amitié !. A la fin Roger, il n’en pouvait plus. Il m’a dit en étouffant de rire : « Si ta femme revient, n’oublie pas de m’appeler ». Et puis il a raccroché. Comme ça.

C’est sûr que si Maryvonne revient la première personne qui sera au courant ce sera mon ami Roger.



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5 commentaires:

Farfalino a dit…

J'aime bien la progression d'une sorte de déchéance qui ensuite se transforme en vaudeville assez drôle et ... un peu cynique :)

Arthur H. a dit…

Merci. Je me suis amusé à créer un décalage entre la situation vécue et la situation rapportée. Heureux que ça t'ait plû!
Arthur

Anonyme a dit…

Bonjour arthur,

ça fiche le frisson. C'est un beau texte, qui fait résonance. Une mauvaise histoire récente, de harcèlement moral, de licenciement qui n'en finissait pas dans sa lenteur de procédure, mélangé au politique, aux histoires de famille... Dur pour les plus proches. Mais la page est tournée, et les projets coups de coeur jaillissent. Belle renaissance, beaux défis, et ça repart.
Merci pour ta visite et ton com' chez moi. Je suis amoureuse du Poët en percip. Voilà... tout est dit, n'est-ce pas? ou non-dit. Si tu est fou de la drôme comme nous le somme sous mon logis, alors tu entends nos éclats de bonheur, tu vois les plis de nos yeux rieurs, tu devine mes larmes d'émotion quand j'arrive depuis la route au premier village provençal de vallauri.. allons... ça y est ... on approche.. NYons n'est plus loin.. Paul et sa lavande nous attendent... Paul et Martha au Buis nous préparent des merveilles de délicatesse en art de la table... Michel, gérard, etc.. vont nous parler de leur engagement et des élections...
Tsssstsssstssss les cigales applaudissent de joie sur notre passage. La route fut longue mais à la clé, il y aura la drôme pour nous accueillir ses bras ouverts, il y aura Amélia la portugaise, en face de la maison, qui guettera notre approche et descendra nous offrir le pain qu'elle aura réparé pour nous. Il y aura France, la mama italienne, qui nous hélera de sa fenêtre du premier étage, avec son grand sourire, sa voix forte, "alors les périgourdins? ça y est? on revient au pays? La petite a bien grandi, quelle est belle! je vous ai mis de côté plein de choses pour elle!

Voilà... j'ai un chiffon dans la gorge là soudain. @ plus.

Arthur H. a dit…

Une évocation pleine de saveur de la Drôme Provençale!

Anonyme a dit…

excellent !!