dimanche 29 mars 2009

L'anniversaire

Ils sont là. Toute la famille réunie, engoncés chacun dans sa propre détresse, comme des oiseaux tombés du nid, autour du gâteau, des six bougies de l’anniversaire de Donatien. Six ans qu’il est arrivé parmi eux, qu’il a déclenché la tempête, qu’il a déchiré leurs certitudes. Cet enfant différent. Il est là, au milieu d’eux. Il tape avec ses mains contre la table. Ils veulent lui faire un rempart de leurs corps contre la dureté du monde, contre les regards apeurés ou apitoyés. Ils ont besoin de se tenir chaud autour de lui, le père, la mère et le frère et la sœur, adolescents.
Ils ont tous mal.
La mère se souvient des anniversaires de ses autres enfants. Les petits amis, les cavalcades dans la maison, les paires de bottes qu’il fallait enfiler à tout le petit monde pour aller jouer au jardin après le goûter, les parents qui venaient chercher leur enfant à la fin de la journée, les discussions avec eux sur la maîtresse autour d’un verre d’orangeade ou d’une tasse de thé. Il était de bon ton de se plaindre de son enfant, de louer ceux des autres.
Le père pense qu’à six ans Donatien a déjà décroché à l’école et qu’il parle à peine. Il se dit qu’il ne sait pas comment il va pouvoir continuer à être scolarisé. Il ne sait pas trop comment s’y prendre avec lui. Il a peur de ne pas savoir l’aimer.
Le grand frère qui commence à se raser la barbe aimerait bien que Donatien ne soit pas aussi important pour lui. Il aimerait être assez fort pour casser la figure de tous ceux qui se moquent de Donatien. Il aimerait surtout que son petit frère ne fasse plus jamais pleurer sa mère.
La grande sœur qui est encore gênée par ses jeunes seins rêve de partir sur une île déserte avec son petit frère. Elle le tiendrait dans ses bras tout le temps où il ne se sentirait pas bien. Elle lui apprendrait à se débrouiller. Quand il n’y arriverait pas ça n’aurait pas d’importance. Elle s’occuperait de tout.
Donatien finit par comprendre qu’il faut souffler les bougies. Il s’y prend à trois fois mail il montre sa joie. On dirait que même le père a des larmes d’attendrissement aux yeux quand le frère et la sœur de Donatien sortent le cadeau surprise qu’ils ont acheté avec leur agent de poche : une grosse coccinelle en plastique qui roule en bougeant ses yeux et agitant ses antennes en ressorts. Donatien bat des mains et pousse des cris de joie.
Soudain ils éprouvent tous la même joie que Donatien. Une joie qu’ils ont l’impression d’avoir volée.
Une joie dont ils ne savent pas encore que c’est une joie d’humanité, une joie à partager.

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