mercredi 21 février 2007

Le jardin d'hiver

C’était un de ces beaux matins glacés de février quand un léger voile de brume s’accroche à peine à la surface des prairies, des haies givrées. Un de ces jours d’hiver où le ciel est clair.

Le père Salançon faisait son tour du jardin. En cette saison il n’y avait pas grand chose à faire mais il n’était pas question pour lui de perdre le contact avec cette terre pour lors glacée. Il guettait les signes minuscules qui annonçaient le printemps. L’allongement des jours avait mis en branle souterrainement la nature. Les bourgeons de la majestueuse double rangée de marronniers de la grande allée avaient commencé à gonfler sous leur noir manteau rugueux.

Tiens, voici que mademoiselle Sophie sortait par le perron de pierre. Elle avait l’air d’être chaudement emmitouflée. Le père Salançon était heureux de sa présence. Il l’avait vue naître et grandir. Plus petite elle avait passée des heures à lui raconter ses histoires, à l’écouter lui parler des plantes du potager et des gens d’autrefois, de ses grand-parents maternels. Ces dernières années il la voyait moins souvent. Dame, elle avait douze ans.

Le père Salançon n’osa pas la héler mais il leva le bras, comme si elle avait pu ne pas le remarquer. Elle se dirigea vers lui en sautillant, comme un oiseau pensa-t-il. Mais vite elle se reprit et son pas s’alourdit. Elle ressemblait ainsi à sa mère par son allure. Sa mère, le père Salançon s’en souvenait, lorsqu’elle avait aussi douze ans. Dans quelques années à son tour mademoiselle Sophie lui donnerait ses instructions sur les légumes et les fleurs à planter. Elle ferait semblant d’écouter ses conseils. S’il n’était pas trop vieux pour encore travailler. Il n’aimait pas se souvenir que certains matins ses rhumatismes le tenaient longtemps enserré.

Sophie ne se précipita pas dans ses bras pour l’embrasser comme elle faisait autrefois. Elle enleva sa moufle droite et lui tendit la main avec un beau sourire, mais déjà un peu emprunté. Le père Salançon en eut le cœur serré. Il savait que l’enfance était en train de s’en aller. Comme les bourgeons de marronniers le corps de Sophie se préparait à éclore. Et ce printemps-là ne serait pas pour lui, le fidèle jardinier de famille.


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2 commentaires:

Anonyme a dit…

La prose poétique de ce texte traduit avec bonheur cette relation entre le vieil homme qui a compris la sagesse de cultiver son jardin et la jeune Sophie dont il gardera dans le coeur le sourire et l'innocence de l'enfance.

Anonyme a dit…

Très belle nouvelle:

"Et ce printemps-là ne serait pas pour lui, le fidèle jardinier de famille."

J'adore cette phrase qui résume en quelque sorte la relation que ce Père a pour cette jeunette fillette qui devient une femme.

Allez, encore!