lundi 8 janvier 2007

Le chien de mon dentiste

Ils sont tous assis en rond devant grand-père sur le tapis du salon. Grand-mère sur le fauteuil voisin du sien est occupée à quelques travaux d’aiguille. De temps en temps elle jette un coup d’œil vers eux par-dessus ses lunettes posées au bout de son nez.
S’ils sont là c’est qu’ils veulent que grand-père leur raconte une histoire de son temps, comme ils disent. Une histoire de quand il était jeune. A la longue ils devraient trop les connaître ces histoires mais plus elles leur sont familières et plus elles ont de charme pour eux. Cette fois-ci ils réclament celle du chien du dentiste.
Alors, commence grand-père, quand j’étais jeune ingénieur, après mes études à Lyon où vous savez que je suis né, j’ai trouvé un premier emploi dans une usine de mécanique de Saint Etienne. J’étais encore célibataire et je ne connaissais pas votre grand-mère (Le grand-père lance un clin d’œil entendu aux deux garçons qui ont dépassé douze ans). Comme jeune ingénieur je passais pas mal de temps au cercle des ingénieurs où je jouais souvent en équipe au bridge avec un dentiste, à peine plus âgé que moi, qui s’appelait Figard.
Comme nous avions sympathisé je décidais de me faire soigner par lui plusieurs dents que j’avais en assez mauvais état. Il était habile dentiste mais profitait sans vergogne du fait que j’avais la bouche ouverte, et qu’il avait en main la roulette, pour, tout en me charcutant une dent me vanter les mérites de l’équipe des Verts de Saint Etienne et ridiculiser les footballeurs lyonnais de l’OL. La rivalité entre les deux équipes était alors légendaire et il ne se passait pas de matchs entre elles sans de terribles bagarres. Bien entendu je prenais fait et cause pour l’équipe de la ville dans laquelle j’étais né et où j’avais fait mes études mais j’étais bien empêché de donner la répartie au traître Figard. Du reste dès que j’avais recraché dans le gobelet du fauteuil de dentiste et que je pouvais à nouveau parler, il mettait la conversation sur les travaux qu’il venait d’entreprendre dans ma bouche et il n’y avait plus moyen pour moi de relever l’honneur de mon équipe indignement calomniée. En-dehors de son cabinet il ne parlait jamais de foot, ce qui à Saint Etienne était fort rare.
Ce Figard était un joyeux garçon, plutôt bien de sa personne. Il plaisait aux filles et n’était pas timide. (Nouveau clin d’œil aux deux aînés). Un jour, çà devait être à l’occasion des fêtes de fin d’année, il y eut un grand bal au cercle des ingénieurs. Il s’agissait pour messieurs les ingénieurs en chef de trouver pour leurs filles de prometteurs jeunes collègues. (Nouveau clin d’œil du grand-père, cette fois-ci vers l’aînée de ses petites-filles). La plus resplendissante de toutes ces resplendissantes beautés était la fille du directeur des mines. Elle avait de généreux appas et sur le sein gauche une broche en forme d’un bouquet de grosses cerises rouges, très appétissantes il faut le reconnaître. (Clin d’œil aux garçons).
La donzelle minaude : « Oh, monsieur Figard, que pensez-vous de mes cerises ? ». Et mon Figard qui ne se laisse pas démonter de lui répondre : « Oh, mademoiselle j’ai furieusement envie de les dévorer ». La demoiselle se met à rougir et de rougir ainsi en publique augmente sa confusion. Elle pique un véritable fard. (Grand-mère toussote dans son coin). Figard fait semblant de rien et va saluer d’autres personnes. Je reste avec la demoiselle à qui je ne sais trop que dire, puis je m’esquive à mon tour.
A quelques temps de là Figard me prend à part à la fin d’une soirée de bridge pour me demander s’il peut solliciter un grand service de ma part. Il a invité la jeune fille aux cerises et ses parents à aller passer une journée à la ville d’eau voisine. Je félicite mon ami pour la manière dont il a su rattraper sa goujaterie initiale. Ne te moque pas de moi me dit-il. Je suis très embarrassé car les parents de ma belle n’aiment pas les chiens. Or j’ai depuis peu une ravissante chienne braque de Weimar un peu folle et je ne peux pas la laisser toute seule une journée dans mon appartement sans qu’elle ne brise tout et ne hurle à la mort.
Vous connaissez le caractère serviable de votre grand-père (La grand-mère retoussote). Je ne pouvais évidemment pas refuser ce service à mon ami. J’en serais quitte pour promener toute la journée la demoiselle chien aux alentours de Saint Etienne. Cependant j’avais une autre idée en tête.
A ce moment le grand-père s’arrête de parler, comme s’il n’avait plus rien à dire. La grand-mère a cessé de faire semblant de coudre et pose son ouvrage sur ses genoux. Tous savent que va se jouer la scène du : « Dis-nous la suite, grand-père » et du « Mais non, je ne peux pas ». Ils savent tous que çà se terminera par le fameux : « Bon, hé bien, puisque vous insistez ».
Vous savez que le braque de Weimar est un très beau chien avec un poil ras et luisant. Sur chacun des flancs de la chienne j’ai tracé avec mon rasoir électrique un superbe OL. Lorsque Figard est revenu chercher sa chienne il était ravi de sa journée et il a fait celui qui n’avait rien vu. Simplement il ne pouvait pas se permettre de se promener dans Saint Etienne avec une chienne portant la marque honnie de l’OL. Alors il a complété mon travail en faisant du O et du L un rond et un carré. Et il a expliqué aux gens qui s’étonnaient de cette étrange mode que c’était là pratique courante en Allemagne pour cette race de chien et que le rond et le carré étaient le symbole de son esprit à lui : capable de s’adapter à toutes sortes de circonstances.


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